Producciones
Cerviño-Luridiana
Presentan:
all about Eva... con el Principito
Una coprodución
Hispano-italiana
Realizada en
Mexico

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Chapitre VII

 

    Le cinquième jour, toujours grâce au mouton, ce secrèt de la vie du petit prince me fut révélé. Il me demanda avec brusquerie, sans préambule, comme le fruit d'un problème longtemps médité en silence:

    -- Un mouton, s'il mange les arbustes, il mange aussi les fleurs?

    -- Un mouton mange tout ce qu'il rencontre.

    -- Même les fleurs qui ont des épines?

    -- Oui. Même les fleurs qui ont des épines.

    -- Alors les épines, à quoi servent-elles?

    Je ne le savais pas. J'étais alors très occupé à essayer de dévisser un boulon trop serré de mon moteur. J'étais très soucieux car ma panne commençait de m'apparaître comme très grave, et l'eau à boire qui s'épuisait me faisait craindre le pire.



    -- Les épines, à quoi servent-elles?

    Le petit prince ne renonçait jamais à une question, une fois qu'il l'avait posée. J'étais irrité par mon boulon et je répondis n'importe quoi:

    -- Les épines, ça ne sert à rien, c'est de la pure méchanceté de la part des fleurs!

    -- Oh!

    Mais après un silence il me lança, avec une sorte de rancune:

    -- Je ne te crois pas! les fleures sont faibles. Elles sont naives. Elles se rassurent comme elles peuvent. Elles se croient terribles avec leurs épines...










    Je ne répondis rien. A cet instant-là je me disais: "Si ce boulon résiste encore, je le ferai sauter d'un coup de marteau." Le petit prince dérangea de nouveau mes reflexions:

    -- Et tu crois, toi, que les fleurs...

    -- Mais non! Mais non! Je ne crois rien! J'ai répondu n'importe quoi. Je m'occupe, moi, des choses sérieuses!

    Il me regarda stupéfiait.

    -- De choses sérieuses!

    Il me voyait, mon marteau à la main, et les doigts noirs de cambouis, penché sur un objet qui lui semblait très laid.

    -- Tu parles comme les grandes personnes!

    Ca me fit un peu honte. Mais, impitoyable, il ajouta:

    -- Tu confonds tout... tu mélanges tout!

    Il était vraiment très irrité. Il secouait au vent des cheveux tout dorés:

    -- Je connais une planète où il y a un Monsieur cramoisi. Il n'a jamais respiré une fleur. Il n'a jamais regardé une étoile. Il n'a jamais aimé personne. Il n'a jamais rien fait d'autre que des additions. Et toute la journée il répète comme toi: "Je suis un homme sérieux! Je suis un homme sérieux!" et ça le fait gonfler d'orgueil. Mais ce n'est pas un homme, c'est un champignon!

    -- Un quoi?

    -- Un champignon!

    Le petit prince était maintenant tout pâle de colère.

    -- Il y a des millions d'années que les fleures fabriquent des épines. Il y a des millions d'années que les moutons mangent quand même les fleurs. Et ce n'est pas sérieux de chercher à comprendre pourquoi elles se donnent tant de mal pour se fabriquer des épines qui ne servent jamais à rien? Ce n'est pas important la guerre des moutons et des fleurs? Ce n'est pas sérieux et plus important que les additions d'un gros Monsieur rouge? Et si je connais, moi, une fleur unique au monde, qui n'existe nulle part, sauf dans ma planète, et qu'un petit mouton peut anéantir d'un seul coup, comme ça, un matin, sans se rendre compte de ce qu'il fait, ce n'est pas important ça?

    Il rougit, puis reprit:

    -- Si quelqu'un aime une fleure qui n'existe qu'à un exemplaire dans les millions d'étoiles, ça suffit pour qu'il soit heureux quand il les regarde. Il se dit: "Ma fleur est là quelque part..." Mais si le mouton mange la fleur, c'est pour lui comme si, brusquement, toutes les étoiles s'éteignaient! Et ce n'est pas important ça!

    Il ne put rien dire de plus. Il éclata brusquement en sanglots. la nuit était tombée. J'avais lâché mes outils. Je me moquais bien de mon marteau, de mon boulon, de la soif et de la mort. Il y avait sur une étoile, une planète, la mienne, la Terre, un petit prince à consoler! Je le pris dans les bras. Je le berçai. Je lui disais: "La fleur que tu aimes n'est pas en danger... Je lui dessinerai une muselière, à ton mouton... Je te dessinerais une armure pour ta fleur... Je..." Je ne savais pas trop quoi dire. Je me sentais très maladroit. Je ne savais comment l'atteindre, où le rejoindre... C'est tellement mystérieux, le pays des larmes.







Chapitre VIII

    J'appris bien vite à mieux connaître cette fleur. Il y avait toujours eu, sur la planète du petit prince, des fleurs très simples, ornées d'un seul rang de pétales, et qui ne tenaient point de place, et qui ne dérangeaient personne. Elles apparaissaient un matin dans l'herbe, et puis elles s'éteignaient le soir. Mais celle-là avait germé un jour, d'une graine apportée d'on ne sais où, et le petit prince avait surveillé de très près cette brindille qui ne ressemblait pas aux autres brindilles. Ca pouvait être un nouveau genre de baobab. Mais l'arbuste cessa vite de croître, et commença de préparer une fleur. Le petit prince, qui assistait à l'installation d'un bouton énorme, sentait bien qu'il en sortirait une apparition miraculeuse, mais la fleur n'en finissait pas de se préparer à être belle, à l'abri de sa chambre verte. Elle choisissait avec soin ses couleures. Elle s'habillait lentement, elle ajustait un à un ses pétales. Elle ne voulait pas sortir toute fripée comme les coquelicots. Elle ne voulait apparaître que dans le plein rayonnement de sa beauté. Eh! oui. Elle était très coquette! Sa toilette mystérieuse avait donc duré des jours et des jours. Et puis voici qu'un matin, justement à l'heure du lever du soleil, elle s'était montrée.

    Et elle, qui avait travaillé avec tant de précision, dit en bâillant:

    -- Ah! Je me réveille à peine... Je vous demande pardon... Je suis encore toute décoifée...

    Le petit prince, alors, ne put contenir son admiration:

    -- Que vous êtes belle!

    -- N'est-ce pas, répondit doucement la fleur. Et je suis née en même temps que le soleil...

    Le petit prince devina bien qu'elle n'était pas trop modeste, mais elle était si émouvante!

    -- C'est l'heure, je crois, du petit déjeuner, avait-elle bientôt ajouté, auriez-vous la bonté de penser à moi...

    Et le petit prince, tout confus, ayant été chercher un arrosoir d'eau fraîche, avait servi la fleur.

    Ainsi l'avait-elle bien vite tourmenté par sa vanité un peu ombrageuse. Un jour, par exemple, parlant de ses quatres épines, elle avait dit au petit prince:

    -- Ils peuvent venir, les tigres, avec leurs griffes!

    -- Il n'y a pas de tigres sur ma planète, avait objecté le petit prince, et puis les tigres ne mangent pas l'herbe.

    -- Je ne suis pas une herbe, avait doucement répondu la fleur.

    -- Pardonnez-moi...

    -- Je ne crains rien des tigres, mais j'ai horreur des courrants d'air. Vous n'auriez pas un paravent

    "Horreur des courrants d'air... ce n'est pas de chance, pour une plante, avait remarqué le petit prince. Cette fleur est bien compliquée..."

    -- Le soir vous me mettrez sous un globe. Il fait très froid chez vous. C'est mal installé. Là d'ou je viens...

    Mais elle s'était interrompue. Elle était venue sous forme de graine. Elle n'avait rien pu connaître des autres mondes. Humiliée de s'être laissé surprendre à préparer un mensonge aussi naif, elle avait toussé deux ou trois fois, pour mettre le petit prince dans son tort:

    -- Ce paravent?...

    -- J'allais le chercher mais vous me parliez!

    Alors elle avait forcé sa toux pour lui infliger quand même des remords.

    Ainsi le petit prince, malgré la bonne volonté de son amour, avait vite douté d'elle. Il avait pris au sérieux des mots sans importance, et il est devenu très malheureux.

    "J'aurais dû ne pas l'écouter, me confia-t-il un jour, il ne faut jamais écouter les fleures. Il faut les regarder et les respirer. La mienne embaumait ma planète, mais je ne savais pas m'en réjouir. Cette histoire de griffes, qui m'avait tellement agacé, eût dû m'attendrir..."

    Il me confia encore:

    "Je n'ai alors rien su comprendre! J'aurais dû la juger sur les actes et non sur les mots. Elle m'embaumait et m'éclairait. Je n'aurais jamais dû m'enfuir! J'aurais dû devinre sa tendresse derrière ses pauvres ruses. les fleurs sont si contradictoires! Mais j'étais trop jeune pour savoir l'aimer."

 

Saint-Exupéry - Le petit prince



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